Palimpseste

D'un sophisme à l'autre

Homme plongé dans une intense réflexion

Peut-être vous arrive-t-il comme à moi, d'occuper vos insomnies à d'étranges questionnements dont la réponse, le plus souvent, ne concerne ni n'engage en rien la survie de l'humanité.

Or donc, la nuit passée, ne trouvant pas le sommeil après avoir mangé un reste de flammekueche, lu trente pages des Gommes d'Alain Robbe-Grillet et fait quatre tours du jardin, je me suis posé cette question : quelle peut bien être la différence entre le "post hoc ergo propter hoc" et le "non causa pro causa" ?

Naviguer dans les eaux parfois troubles de l'argumentation est un exercice périlleux. Chaque jour, que ce soit dans un débat politique, une publicité astucieuse ou une conversation anodine, nous sommes confrontés à des raisonnements qui, en apparence solides, se révèlent être des illusions. Ces pièges, ces faux-semblants de la logique, sont ce que les philosophes appellent des sophismes. Alors, tentons de lever le voile sur les rapports qu'entretiennent ces deux cousins germains.

Post hoc ergo propter hoc : le sophisme de l’après, donc à cause de…

Imaginez cette scène : un coq chante, et peu après, le soleil se lève. Le sophisme du post hoc ergo propter hoc (qui signifie "après cela, donc à cause de cela") consiste à affirmer que le chant du coq est la cause du lever du soleil, simplement parce que le premier événement a précédé le second. Ce sophisme s'appuie sur une corrélation temporelle pour établir une relation de cause à effet. C'est une erreur de jugement qui fait l'impasse sur la multitude de facteurs potentiels et sur la simple coïncidence.

Ce sophisme est très présent dans notre quotidien. Pensez aux superstitions. Un athlète met toujours les mêmes chaussettes avant un match et gagne. Il en conclut que ses chaussettes sont la cause de sa victoire. La réalité est bien sûr plus complexe : son entraînement, son talent, la performance de son équipe, et même la chance, sont les véritables facteurs de son succès. Le post hoc est l'un des sophismes les plus répandus parce que notre cerveau est naturellement programmé pour chercher des motifs et des liens de causalité, même là où il n'y en a pas.

Non causa pro causa : le sophisme de la fausse cause

Le non causa pro causa (ou "non-cause pour cause") est un sophisme plus général, qui englobe le post hoc mais ne s'y limite pas. Il s'agit d'attribuer une cause à un effet, mais cette cause est totalement erronée ou inappropriée. La relation temporelle n'est pas le critère principal, même si elle peut être présente. Ici, l'erreur est de désigner une cause qui n'a aucune légitimité causale avec l'effet observé.

Prenons un exemple. Un adolescent écoute de la musique rock et ses notes chutent. Un parent conclut que la musique rock est la cause de ses mauvais résultats scolaires. C'est un non causa pro causa. La véritable cause pourrait être le manque de sommeil, un désintérêt pour les matières, ou des problèmes de concentration. La musique rock n'est pas la cause des mauvais résultats. La musique et les notes de l'adolescent peuvent être corrélées (par exemple, parce que le temps passé à écouter de la musique est du temps non passé à étudier), mais l'une n'est pas la cause directe de l'autre. Le lien est plus complexe et indirect. Le non causa pro causa est donc un sophisme qui repose sur une fausse imputation de cause, sans nécessairement se baser sur la simple succession temporelle.

Notons toutefois que le raisonneur fallacieux peut avoir de la chance et que X ait effectivement causé Y. Mais alors, est-ce encore un sophisme1 ?

Allez, un autre exemple, juste pour faire "mousser" ma tendre épouse et quelques anciens collègues : la Ministre de l'Enseignement constate que les professeurs nommés ont tendance à être plus souvent en incapacité de travail que les temporaires. Le Ministre de la Santé en conclut que la nomination provoque la maladie. "Non causa pro causa" hurleront les syndicats !

La nuance qui fait la différence

Alors, quelle est la distinction fondamentale ? La différence est subtile, mais cruciale :

Comprendre ces sophismes, c'est aiguiser notre esprit critique. C'est apprendre à regarder au-delà des apparences et à ne pas se laisser duper par des liens de causalité simplistes. Dans un monde saturé d'informations, cette vigilance est une compétence précieuse pour tout amateur de vérité, et, bien sûr, pour tout lecteur assidu de ce carnet, insomniaque ou pas.

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  1. A méditer, à l'occasion d'une autre nuit blanche.

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